Ma passion pour le cinéma remonte à mon enfance. Je passais devant la porte de service du cinéma de mon quartier et je me voyais assis sur un fauteuil rouge entrain de contempler le grand écran blanc. C'était un rêve d'enfant puisque c'était un espace, interdit, réservé exclusivement aux aînés !
A cette époque, on avait le droit de voir quelques films documentaires, une ou deux fois par an, dans le cadre des activités extra-scolaires, et selon l'humeur du directeur de l'école qui cachait précieusement le projecteur 8 mm dans son bureau !
En été, lors du Moussem annuel, le cinéma mobile du Centre Cinématographique Marocain, projetait des films marocains . Accroupis au sol, bouche ouverte, yeux fixés sur l'écran en toile, émerveillé, on contemplait les premières images en couleur !
Plus tard, les ciné-clubs organisaient des projections, en semaines, dans la salle de réunion des professeurs, interdite aux élèves lors des heures de cours ! et souvent, sur un mur, un rectangle peint en blanc et entouré d'un cadre noir, fait office d'écran ! C'était un cinéma militant : socialisme, lutte des peuples, etc. Les films , en noir et blanc, étaient prêtés par les services culturels des ambassades des pays de l'Est ou des pays Arabes progressistes ! Les débats qui suivaient étaient houleux ! Nous, collégiens, nous comprenions pratiquement rien ! c'était de la politique, nous disaient les grands!
Plus tard, le cinéma est devenu "porteur de sens", on choisissait le film, les acteurs, la salle de projection: 7ème art et Zahwa étaient en vogue à Rabat ! On s'improvisait critique de cinéma ou metteur en scène et on reconstruisait le film en faisant jouer nos acteurs préférés ou en imaginant une fin plus heureuse !
A Paris, le Centre Georges Pampidou programmait régulièrement des chefs d'œuvre dont des films d'auteur, de cinéastes venus d'ailleurs. Ce cinéma, VO, vous emporte vers une autre dimension!
A Casablanca, après le retour, des années maigres succédèrent; les salles fermaient l'une après l'autre. La décoration, les fauteuils, l'écran, la sonorisation des salles en exploitation rappelaient un autre âge ! les films projetés étaient de mauvaises qualités. Les copies VHS inondaient le marché ! des club vidéo offraient, des cassettes usées, en location, les films que le peuple veut, comme disent les égyptiens ! Le cinéma, espace de rencontre et de rêve, agonisait ! Ma passion s'atténuait !
Puis, l'ouverture des Dawliz puis du Megarama a donné un nouvel souffle au cinéma. Les films programmés sont généralement récents. Le désir d'aller voir un film renaissait malgré la tentation des DVD piratés qui constituent la grande menace, notamment, pour les salles indépendantes, qui font de la résistance !